1927, l'électricité arrive à Tilly (partie 2)
Le réseau est installé dans les rues de Tilly-sur-Seulles, l’arrivée de la fée électricité peut être célébrée. Elle rassemble la foule sous un temps pluvieux. Deux jours avant pourtant, était survenue la première panne générale, heureusement de courte durée. L'investissement communal a été élevé, les contribuables ont été sollicités.

Le sénateur Henry Chéron (1867-1936), maire de Lisieux, président du conseil général du Calvados a été plusieurs fois ministre. Il fut un artisan de l'électrification des campagnes normandes. Il a présidé la fête organisée à Tilly en 1927.

Une pluie fine tombe sur Tilly-sur-seulles en ce dimanche 18 septembre. Et sur la foule venue participer à la grande fête organisée pour saluer l’arrivée de l’électricité dans le village. Elle est devenue effective depuis quelques semaines (lire la première partie) et voici le moment de saluer cette entrée dans une ère nouvelle, celle de la lumière électrique. Les festivités avaient commencé le dimanche précédent par l’élection de la Reine Electricité et de ses deux demoiselles d’honneur.
Le mauvais temps n’empêche pas la participation d’une foule qualifiée de considérable par les observateurs de l’époque. Le midi, un vin d'honneur est servi à l'école des garçons, avant un banquet à l'hôtel Mallet (ancien hôtel Morel, futur hôtel Jeanne-d’Arc), le grand établissement hôtelier de la place du Marché. Un moment placé sous la présidence d’Henry Chéron, sénateur du Calvados, déjà plusieurs fois ministre avant 1927 (il le sera encore durant les années 30). Le député Fernand Engerand est là aussi.
Tous les convives rejoignent ensuite la foule amassée autour du kiosque élevé sur la place du Marché pour inaugurer officiellement l'électricité. Commence alors le défilé des chars : celui de la reine, de ses suivantes accompagnées de lanciers ; « Un coin du ciel » et « Au bon vieux temps » ; les chars des clairons et de de la fanfare La Cécilienne de Balleroy, Après ce défilé, les membres du comité des fêtes la reine et ses dauphines se rendent à la salle des fêtes pour tirer au sort les billets gagnants de la tombola organisée en faveur du bureau de bienfaisance. La fête s’acheve par une retraite aux flambeaux sous une voûte de lumière et un bal jazz animé par l’orchestre de la Cécilienne de Balleroy,
Les Tillois se plaignent
Quelques semaines plus tard, des habitants de la commune se plaignent. La nuit venue, l’obscurité règne aux abords du bureau de poste, pas éclairés. L’emplacement de la boîte aux lettres se distingue mal, les usagers se heurtent aux marches de la porte d’entrée du bureau et risquent de chuter. La pose d’une ampoule électrique est réclamée.
L’installation des équipements électriques a coûté cher à la commune. Plus même qu’il n’avait été prévu. Ainsi, en octobre 1928, le maire fait part au conseil d’un surcoût des travaux d’électrification des rues et places de la commune. La Société électrique de Caen avait annoncé, sur son devis, un coût de 13,850 francs (lire première partie). La facture se monte finalement à... 16.015 F et la société demande un paiement le plus rapide possible. Or, « La commune ne dispose d’ici au 31 décembre que d’une somme de 10.502,62 F, ce qui se traduit par une insuffisance de ressources de 5.500 F ». Un problème, d’autant que la commune prévoit d’électrifier l’année suivante, en 1929, le hameau des Goupillettes et de Bellevue. Coût estimé : 8.000 F.
Appel aux "centimes additionnels"
Alors, plutôt que de s’endetter plus encore avec un nouvel emprunt et alourdir la charge fiscale des contribuables tillois pour de longues années, le conseil municipal décide de rajouter une ligne de dépense supplémentaire au budget primitif 1929, à hauteur de 15.000 F. Elle sera financée par une mesure fiscale dite des « centimes additionnels », un impôt payé par ces mêmes contribuables dont le montant est calculé selon un certain nombre de centimes par franc d’impôt payé. Dans le cas présent, le maire estime que cette taxe supplémentaire devait rapporter 14.999,29 F. Une décision validée par le préfet du Calvados qui en a informé le directeur des contributions directes dès le mois de novembre.
A la gendarmerie
Le 27 novembre 1928, le conseil municipal est saisi d’une demande de la part de M. Baron, propriétaire des bâtiments de la gendarmerie. Ce dernier demande à la commune de prendre à ses frais la consommation de l’électricité sur un compteur spécial, après qu’il a procédé à l’installation de quatre lampes : une dans l’escalier commun aux trois ménages de gendarmes, une autre dans la cour, une troisième éclairant la pompe, la cour et la chambre de sûreté, la dernière pour le bureau. C’est utile autant pour les gendarmes que pour le public se rendant à la gendarmerie : le conseil valide cette demande comme celle formulée par le chef de la brigade, le brigadier Henri Leprovost. Ce dernier demandait à pouvoir allumer la lampe de la cour depuis son logement ou le bureau,
François Basley

Syndicat et communes
Le Syndicat de la Vallée de la Seulles a été créé après autorisation préfectorale et des arrêtés pris le 16 juillet 1923 et le 12 avril 1924. Ce syndicat intercommunal d’électrification regroupait initialement les communes de Tilly-sur-Seulles, Vendes, Hottot-les-Bagues, Saint-Vaast-sur-Seulles, Juvigny, Lingèvres, Tessel-Bretteville, Fontenay-le-Pesnel et Cristot. A titre d’exemple, Lingèvres, par délibération municipale du 9 mai 1926, a emprunté la somme de 153.000 F pour concourir aux frais d’électrification des neuf communes membres du syndicat. Un emprunt sur 30 ans.
Pour la commune de Bucéels, l’électrification vient plus tard. Le sous-préfet de Bayeux l’autorise à contracter un emprunt de 106.000 F à cette fin le 27 juillet 1932. L’électrification de cette commune aurait pu lui coûter moins cher. Comme le signale l’ingénieur du génie rural dans un courrier du 20 juillet 1932, « Bucéels a cru bon de devoir différer l’exécution de ces travaux par rapport aux communes du syndicat. Le prix demandé par le concessionnaire pour la construction du réseau est passé de 80.000 F à 152.300 F. Cette augmentation de dépense aurait pu être évitée si Bucéels avait exécuté ses travaux en même temps que ceux du syndicat. Cela ne justifie donc pas un relèvement de la subvention d’Etat ».
Sources
Archives départementales du Calvados : archives préfectorales, délibérations conseil municipal Tilly
Archives nationales (Gallica) : Ouest Eclair
Persée : "L'électricité en Basse-Normandie : Étude de géographie économique" André Journaux, 1955
"L’énergie électrique en Normandie. Historique - Production - Transport - Distribution", Maurice Fauché, études normandes, 1952